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Mayotte : spoliation de terres au cœur d’un système corrompu

8 mars 2025 – 06:00 par Emilien Lacombe

Une horticultrice se bat depuis 15 ans pour récupérer un héritage légitime tandis qu’un conciliateur de justice est révoqué après avoir tenté de l’aider. L’affaire révèle un système de corruption institutionnalisée, selon une plainte déposée par l’association Anti-Corruption (AC!!)

Mme MadiMme Madi

Dans une plainte adressée au Parquet National Financier début mars 2025, l’association Anti-Corruption (AC!!), dénonce une affaire particulièrement grave de spoliation foncière à Mayotte. Au centre de ce scandale, Nadhoimati Madi, une horticultrice de 54 ans, qui tente depuis plus d’une décennie de faire valoir ses droits sur un legs foncier de 15 hectares hérité de son oncle, Ahmed Djailani, décédé en 2008.

Une héritière légitime privée de ses droits

Selon les éléments de la plainte déposée par Me Vincent Poudampa, Mme Madi possède un testament en bonne et due forme établi en 2006 par son oncle, qui l’avait adoptée et désignée comme légataire universelle. Ce document, validé par deux juristes compétents dont le vice-président de la Cour d’Appel, Yves Moatty, n’a jamais été reconnu par les autorités locales.

Malgré le paiement régulier des taxes foncières depuis le décès de son oncle, Mme Madi se voit systématiquement refuser la reconnaissance de son titre de propriété. Pendant ce temps, ses terres font l’objet de transactions douteuses, comme cette parcelle stratégique à Kawéni qui a fait l’objet d’une ordonnance de référé surréaliste en 2018, autorisant un certain Yoann Pierre à sous-louer le terrain à une grande enseigne commerciale pour la somme de 500 000 euros.

Un conciliateur de justice sanctionné pour avoir fait son travail

La plainte révèle également le sort troublant réservé à Marcel C., conciliateur de justice, qui a tenté d’aider Mme Madi dans ses démarches. Après avoir saisi la Commission d’Urgence Foncière (CUF) en novembre 2021, il s’est heurté à une fin de non-recevoir de la part de sa présidente, qui l’a accusé dans un courrier « d’incompétence », de « parti-pris calomniatoire » et même de « tirer un profit personnel de ses démarches ».

Quelques mois plus tard, en mai 2022, le conciliateur a été révoqué par le Premier président de la Cour d’Appel de Saint-Denis, officiellement pour « manque de respect des instances judiciaires ». Une sanction qui interroge quand on sait que Marcel C. n’avait jamais fait l’objet de plaintes dans ses autres dossiers de conciliation.

Une corruption systémique dans un département déjà fragilisé

La plainte replace cette affaire dans le contexte plus large de Mayotte, département français marqué par un « éternel casse-tête foncier » et une corruption endémique. Elle cite notamment un rapport récent de la Chambre régionale des comptes (voir ci-dessous) qui pointe le fonctionnement anormal de la commune de Tsingoni, où réside Mme Madi, avec des marchés publics fractionnés pour éviter les mises en concurrence.

L’association AC!! dénonce « une corruption foncière concertée, péri-administrative et parapublique » qui semble « institutionnalisée ». Elle porte plainte pour plusieurs délits, dont captation d’héritage, menaces de mort, coups et blessures, harcèlement moral, diffamation, mais aussi corruption publique active en bande organisée et trafic d’influence.

Cette affaire intervient dans un contexte particulièrement difficile pour Mayotte, récemment frappée par le cyclone Chido, et où entre 60 000 et 70 000 parcelles privées sont occupées par des personnes sans titre de propriété, selon les chiffres cités dans la plainte.


Affaire à suivre…

(Précisons qu’une cinquantaine de documents viennent appuyer cette plainte au PNF)

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